Wednesday, August 13, 2014

Un thé inspiré par une visite au Met de NYC

Ce printemps, j'ai eu l'occasion de visiter le Metropolitan Museum de New York et d'y voir ces bols Jian émaillés de couleur noir 'poil de lièvre'. Ces 3 bols datent de la dynastie Song (960-1279) et proviennent de la province du Fujian. C'était l'époque où l'on buvait le thé vert en poudre, fouetté avec un fouet en bambou.

D'un point de vue culturel, le raffinement des Song constitue un âge d'or de la civilisation chinoise. Le pouvoir s'entoure plus que jamais de lettrés et s'intéresse lui-même à la culture et au thé! En effet, Song Hui Zhong (1082-1135) est le seul empereur à avoir créé son propre style de calligraphie (瘦金體), très fine, et il a aussi écrit un traité sur le thé! "Les choix culturels des Song sont faits de retenue, de simplicité revendiquée, de sérieux et d'engagement dans l'action." (Danielle Elisseeff, la Chine des Song (960) à la fin de l'Empire (1912)).
La dynastie vit des périodes mouvementées et est constamment menacée d'invasions barbares. La pratique du thé dans un simple bol est effectivement un signe de sérieux et de retenue. En effet, on ne réussit ce genre de thé que si l'on maitre de soi et qu'on le pratique avec assiduité. On est loin du faste du set à thé en or et argent de la dynastie Tang (618-907). La beauté du bol provient de chacun de ses détails: sa forme de bouton de fleur, sa couleur changeante et irisée, sa taille faite pour être prise en main, sa bonne retenue de la chaleur...

Ces bols Jian Song sont vénérés comme des trésors au Japon. C'est par là qu'ils ont passé avant d'arriver au Met. On le voit à la protection faite à la bouche des bols ci-dessus et ci-dessous. Ce prochain bol a même fait l'objet d'une réparation comme on peut le voir distinctement:
Voici un bel exemple d'aiguière en céladon qu'on utilisait pour verser l'eau bouillante dans le bol Jian rempli d'une cuillérée de poudre de thé vert:
Verseuse en céladon Yue des temps des 5 dynasties (907-960), Met
Je compose d'abord mon Chaxi de la manière suivante.
Le bol de gauche me sert à recueillir l'eau du préchauffage du bol.

La bouilloire en argent me sert à chauffer mon eau. Cependant, au lieu d'utiliser mon aiguière pour alimenter cette bouilloire, je décide de la préchauffer, puis d'y verser l'eau bouillante de la bouilloire. Ainsi, je peux simplifier mon Chaxi et utiliser cet accessoire comme verseuse lors de la préparation du thé!

J'inverse donc la disposition de mes accessoires afin de verser de la main gauche tout en fouettant de la main droite.


Le Chaxi a maintenant un aspect plus sobre et harmonieux. Et surtout, il a l'air bien plus vivant avec cette mousse de thé vert très clair! Le fond noir du Chabu est un peu semblable à la glaise du bol.
J'obtiens une mousse assez fine, mais elle pourrait être plus épaisse et régulière. L'aspect méditatif de ce thé influence mes réflexions. Je constate une certaine insatisfaction, mais je l'accepte car je reconnais mon manque de pratique. Savoir comment réussir le thé n'est pas la même chose que de le réussir. Je me considère déjà heureux et privilégié d'avoir pu acquérir ces connaissances et d'avoir pu faire l'expérience de thés Song excellents.

Ces souvenirs sont mes guides comme le sont les pièces de musée pour les potiers et les amoureux de thé. Ainsi, le musée ne contient pas simplement les trésors du passé, mais l'inspiration du monde présent et à venir. En plus d'un bon thé, on a la satisfaction d'inscrire ses gestes dans une tradition millénaire!

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